Les collections

Les costumes

Les costumes de cérémonie masculins offrent moins de variétés que les vêtements féminins, sans doute parce qu'à la base il s'agit du vêtement de travail commun à tous les hommes du marais.

Costume de cérémonie paludier

La tenue d’apparat est endossée sur une chemise d’homme en toile de lin, là aussi unique sous-vêtement masculin. Détail remarquable souvent mis en évidence par l’iconographie du XIXe siècle, la chemise comporte un col ainsi que des poignets de dentelle. La tenue se compose d’une culotte de lin, pièce de vêtement héritée de l’Ancien Régime. Elle est maintenue serrée aux genoux par des liens de toile flottants, parfois en partie plissés et amidonnés comme à Saillé. La culotte est portée avec des bas blancs montants à fourchettes et des chaussures basses de daim teintes en jaune. À ces dernières, les bretonnants de Batz donnent le nom de skrapineo,skalpineo, c’est-à-dire d’"escarpins".

Les hommes superposent deux à trois gilets de laine blanche, le plus long bordé d’une laize tricolore. Ces gilets à manches ou cheminsettes dépassent au niveau des hanches de sorte à ce que la fortune du porteur puisse être appréciée. Sur ces gilets, il revêt une veste ou sion (du moyen-français "sayon"). Elle est de drap de laine bleu et bordée de deux rangées de ganses vertes et garnie de boutons d’étoffe. Toutes ces pièces de vêtements pouvaient apparaître dans la tenue de travail, dissimulées sous le sarrau blanc. Le sion bleu est un vêtement identitaire des paludiers guérandais depuis les années 1620-30. La tenue d’apparat comporte une dernière veste courte en drap de laine.

La coupe en est archaïque : les manches montées au carré sont un peu plus larges aux épaules qu’aux poignets. Comme le sion, la veste est bordée de deux rangées parallèles de ganse ou de tresse noire. Les hommes de la paroisse et commune de Guérande se distinguent par une veste rouge alors que les hommes de Batz endossent des vestes brun foncé. À l’occasion des mariages ou des enterrements, les participants se drapent dans une cape noire à collet fermée par une paire de boucles de métal argenté.

La tenue d’apparat est complétée d’un chapeau en taupé à larges bords et à corne ou pic. Cet avatar du tricorne ou du bicorne est décoré d’un ruban de velours flottant maintenu par une boucle, d’une fine cordelette et de chapelouses multicolores en laine. Pour suivre un cortège funèbre les ornements de couleurs sont enlevés. Le pic du chapeau se porte toujours sur la nuque à Saillé. À Batz, au contraire, sa position varie pour témoigner de la situation familiale du porteur.

Costume de travail paludier

Jusqu’aux années 1870, saunier et paludier portent au travail la même tenue. Le saunier désigne un marchand de sel itinérant, celui de paludier s’applique à l’exploitant des salines. Ils vont de blanc vêtus, à l’exception de la coiffure. Les vêtements de corps, superposition de gilets de laine blanche sur une chemise à col, sont protégés par une ample blouse ou sarrau de lin. Cette dernière recouvre en partie le caneçon – culotte de toile blanche – de lin l’hiver, de coton l’été. Le sarrau est doté d’une large poche ou fale fendue de deux ouvertures. La toile de lin est de confection domestique.

L’été, les hommes marchent le plus souvent déchaussés, jambes et pieds nus. L’hiver, ils enfilent d’épais bas de laine blanche montant jusqu’aux genoux. Et sur ces bas, ils boutonnent des guêtres ou gamaches de toile blanche. Aux pieds, selon les circonstances, leurs fortunes, les époques et les saisons, ils portent des souliers de daim, des sabots de bois ou de solides brodequins à clous. Au travail, les hommes ajustent un couvre-chef. En général, il s’agit d’un bonnet de drap de laine d’une forme assez commune sur le littoral, de la Bretagne au Portugal. La couleur du bonnet est rouge – couleur protectrice – pour les garçons célibataires et brun pour les hommes mariés. Les hommes ne s’interdisent pas non plus de porter le grand chapeau à pic de taupé quand celui-ci n’est plus en état d’accompagner le vêtement de fête. La tenue des sauniers et des paludiers correspond très exactement aux figurations laissées par les artistes de la première moitié du XIXe siècle, en particulier Henri CharpentierFrançois-Hippolyte LalaisseZoé Coste ou Théodore Valério. Cependant, les témoignages textuels et iconographiques concordent pour indiquer que la tenue des hommes n’est pas non plus constante, même si elle tend vers une progressive uniformisation. Dès les années 1840, les jeunes gens abandonnent guêtres et caneçons. Ils adoptent des pantalons de grosse toile bleue de confection industrielle dont la coupe est commode. Ils n’en conservent pas moins le grand sarrau blanc.

Plus tard, entre 1875 et 1914, la blouse bleue, d’un port généralisé dans le monde rural et même sur le littoral, évince le sarrau blanc. Du reste, c’est dans une blouse bleue que l’artiste nantais Alexis de Broca a représenté Joachim Lecallo en bordure de la saline Siviquel (Batz). Ce vieux paludier du Bourg-de-Batz est coiffé d’un chapeau de paille à l’arrière retroussé. Dès les années 1900, beaucoup d’hommes travaillent en chemise et en pantalon de velours ou de toile. Dans la même période et jusqu’aux années 1940, les hommes vont sur les salines pieds nus ou chaussent des espadrilles de cordes, étrennées à l’occasion des fêtes de Pâques et des assemblées populaires du moment. La blouse bleue, encore portée par quelques anciens au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est à son tour détrônée par des complets de moleskine grise, puis des bleus de travail. Dans le même temps chapeaux de feutre, casquettes de toile et bérets de laine seront aussi à la mode comme protection contre les intempéries.